Pour notre plus grande traversée jusqu’à présent, nous avons
collégialement étudié la météo avec nos amis de Reine de Saba et d’Andanza. Les
fenêtres météo se resserrent de plus en plus et, bien entendu, la situation
parfaite n’existe pas…
Nous choisissons l’option plus sécurisante de partir au
moteur durant au moins 24 heures pour après, toucher un vent de NNE ainsi, nous
espérons échapper à une plus forte houle qui essayera de nous rattraper…En lieu
et place des 24 heures de moteur (pourtant, je suis habitué à faire des 24
heures au moteur !), nous en ferons 28 !!
Et ensuite, le vent nous viendra par l’arrière nous
obligeant à la gymnastique encore peu habituelle de la mise en ciseau…Figure
intéressante car elle nous fait gagner de 1 à 1,5 nœuds !! C’est vrai que
ça ne fait même pas 3 km/h…mais, en voile, tout ce qui est pris est
pris !!
Andanza profitera de ce vent établi pour débouler sur notre
babord, juste à la tombée de la nuit et
en plus, quand Nathalie était de quart !! Les lâches !!! Nous ne les
reverrons plus avant le Cap Vert…
Pour ce qui est de Reine de Saba, les 28 heures passées au
moteur nous avaient donné une certaine avance qu’ils vont grignoter mille après
mille pour arriver au Cap Vert avec une demi-heure d’avance sur nous.
Emilie a mis un plus de temps que le reste de l’équipage à
rentrer dans le rythme ; était-ce du à la succession des quarts de
nuit ?
La difficulté principale sur notre bateau réside toujours
dans la prise de ris (réduction de la voilure) qui impose de démarrer les
moteurs, de se mettre face à la houle et puis de reprendre la voilure en étant
secoué comme dans une montagne russe…quand en plus, on fait ça par nuit
totalement noire, ça produit encore plus d’adrénaline…
Le deuxième jour, alors que nous bataillons avec la houle et
le peu de vent pour adopter la position dite du ciseau, vlà ti pas que nos deux
cannes à pêche partent ensemble dans un sifflement strident de moulinet !!
Ca mord !! Laissant à Joe (notre pilote automatique) le soin de garder le
bon cap, nous nous précipitons Emilie et moi sur les 2 cannes…Là aussi, on
pourrait revoir le niveau de notre équipement…avec nos moulinets juste bon pour
une bonne pêche aux canards à la foire du midi…Bref, je remonte le fil nylon à
la main pendant que Louis rembobine le moulinet derrière moi…De son côté,
Emilie bataille comme elle peut mais résiste un peu trop fort et la belle prise
nous laisse en seul souvenir, un bout de sa machoire…Revenons à mon thon,
celui-ci a été tellement goulu qu’il n’a aucune chance de se détacher et
lorsque je le vois partir en ski nautique, je comprend qu’il a capitulé et que
je vais pouvoir le remonter à présent…Nous le découperons directement sur la
jupe arrière en darne que nous mangerons grillées avec juste un petit vinaigre
de mangue…Il est frais, il est frais mon poisson !!
Le troisième et le quatrième jour, nous serons rattrapés par
une houle arrière générant des creux de 3 à 4 mètres, qui nous pousseront
toujours plus vite en surf vers l’ile de Sal au Cap Vert, c’est impressionnant
quand vous voyez un immeuble de 3 étages vous débouler dessus mais JAD est là
et nous protège de toutes ses jupes…
Nous arriverons en vue de Sal au petit matin après 119
heures de navigation pour 820 MN parcourus ; ce qui est une moyenne tout à
fait honorable pour notre petit trapu qu’est JAD !!
Tout l’équipage était prêt à goûter à ce repos bien mérité
mais, c’était sans compter sur l’opération du mouillage (le fait de poser notre
ancre et de s’assurer qu’en plus, elle croche…), opération toujours plus
délicate avec déjà 20 bateaux dans le mouillage, un courant assez fort et un
vent de 25 nœuds…, le tout en s’assurant qu’il reste encore assez d’eau sous les
coques…et de place pour dérouler au minimum 60 mètres de chaîne…
Première tentative avortée car nous reculons à grands pas
sur un petit monocoque belge, c’est pas le moment d’avoir des mots avec un
compatriote et donc nous remontons daredare notre belle ancre ; chassés
par le vent, nous faisons demi-tour à la recherche d’une meilleure place
lorsqu’en un coup, le bateau est stoppé net sur tribord et fait un tête à queue
(Non Chap, même si les sensations sont assez similaires, ce n’est pas de la Fun
Cup !) ; persuadé que je viens d’accrocher un filet dérivant,
j’intime l’ordre de jeter l’ancre immédiatement car je ne peux plus utiliser
mes moteurs au risque de tout casser !! Et là, pas de bol, l’ancre dérape
et nous voilà partis en travers en direction du quai en béton d’amarrage des
ferrys avec, en plus, les pêcheurs du coin, sans doute ceux qui ont mis le
filet, qui me disent de ne pas jeter mon ancre là !! 5 minutes de
conversation en petit nègre pour leur expliquer que c’est une urgence et qu’on
ne va pas rester là…A ce moment, me sentant décroché, je remet mes moteurs en
marche sans dommage et reprend le contrôle de la situation…nous finirons, à la
3ème tentative, par gentiment déposer cette ancre sur un fond de
sable pas assez épais mais suffisant pour nous tenir !! On comprend très
vite que les mouillages Cap Verdiens vont être sportifs avec du courant et un vent
omniprésent !! Moi qui étais réveillé au moindre petit coup de vent la
nuit, je vais devoir m’endurcir…après un tel stage, nous pourrons mouiller au
bout du monde ou dans un spot de surf !!
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